L’investissement immobilier résidentiel en perte de vitesse ?
Le logement perd de son attrait aux yeux des grands investisseurs. Malgré le besoin criant d’augmenter l’offre en Espagne pour répondre à une demande toujours croissante, une réglementation excessive et des impôts élevés freinent l’investissement dans le marché résidentiel.
C’est le message d’alerte lancé par Íñigo Fernández de Mesa, vice-président de la CEOE et président de l’Institut d’Études Économiques (IEE), lors de la présentation d’un rapport sur la fiscalité immobilière en Espagne.
Selon Fernández de Mesa, "le logement n’est plus le secteur le plus attractif pour investir. Des investisseurs cherchent même à se retirer et à vendre. L’investissement résidentiel stagne à cause de l’insécurité juridique."
Le responsable du ‘think tank’ patronal souligne que ce désintérêt des grands investisseurs est lié aux restrictions normatives et à une fiscalité élevée, supérieure à celle de la majorité des pays développés et applicable à toutes les étapes du cycle de vie des logements.
"La fiscalité et la régulation sont extrêmement néfastes pour les grands propriétaires de logements," a-t-il insisté.
Fernández de Mesa a également souligné que le déséquilibre du marché du logement ne se résorbera pas à court terme. La croissance démographique en Espagne, due aux résidents nationaux et étrangers, entraînera une augmentation de 2,2 millions de foyers dans les 15 prochaines années. Il estime l’investissement nécessaire pour augmenter l’offre au niveau de la demande prévue à environ 80 milliards d’euros, presque le double de ce que les administrations perçoivent annuellement grâce aux impôts sur l’immobilier.
Pour atteindre cet investissement, le vice-président de la CEOE et président de l’IEE estime qu’il faut compter sur le secteur privé, car l’administration ne peut pas l’assumer seule, et recommande de créer des ponts pour atteindre cet objectif.
"L’Espagne est attractive pour les investisseurs internationaux, elle pourrait jouer un rôle important dans la promotion de logements et la réhabilitation grâce à la collaboration public-privé et à une stabilité juridique," a-t-il argumenté. "Il faut impliquer le secteur privé avec une réglementation stable pour les investisseurs et ne pas les pénaliser fiscalement. Il faut mobiliser les ressources et utiliser tous les moyens disponibles pour augmenter l’offre."
Fernández de Mesa a particulièrement défendu le rôle des SOCIMI (Sociétés d’Investissement Immobilier Cotées) comme moteurs de l’investissement, alors que le gouvernement prépare une réforme fiscale pour supprimer les avantages fiscaux à celles qui ne consacrent pas leurs logements à la location abordable. "Les SOCIMI ont un rôle important et il ne faut négliger aucune source d’investissement. La demande existe et l’intérêt aussi, mais il faut collaborer avec le secteur privé. Le bruit ne favorise pas," a-t-il affirmé.
Le propriétaire est très peu protégé face au locataire
Dans le domaine réglementaire, Fernández de Mesa a fait une référence directe à la loi sur le logement, en vigueur depuis presque deux ans. Il a critiqué les plafonds de prix des loyers (déjà en vigueur dans près de 280 municipalités de Catalogne et du Pays Basque), indiquant que "la sur-réglementation et les contrôles de prix ont généré une augmentation des loyers", et a alerté sur le danger d’assimiler la réglementation des locations saisonnières et de chambres à celle de la location à long terme. "La loi sur le logement a des effets très contre-productifs et étendre les contrôles à d’autres locations est encore plus contre-productif," a-t-il ajouté.
Il a également averti que la réglementation actuelle désavantage les propriétaires au profit des locataires, ce qui constitue un obstacle à la planification de nouveaux investissements.
Selon l’économiste, la réglementation actuelle en matière de logement est non seulement "inefficace", mais elle a été introduite de manière "inopportune et surprenante", rendant "très incertaine l’activité de construction de logements". Il est difficile de trouver une mesure de politique économique où il existe plus de consensus que sur la question du contrôle des loyers et de ses implications négatives sur le bien-être social à moyen et long terme".
Cela amène les investisseurs à remettre en question l’investissement dans la location, "qui serait le modèle normal pour augmenter l’offre, car la nouvelle législation leur impose des limites, des incertitudes, des changements fiscaux et des contrôles de prix. En pratique, malgré des conditions de marché raisonnables, cela les amène à reconsidérer le marché espagnol à cause de ces circonstances".
La pénalisation fiscale de l’investissement locatif
L’étude de l’IEE, réalisée en collaboration avec le Registre des Économistes Conseillers Fiscaux (REAF) appartenant au Conseil Général des Économistes d’Espagne, se concentre sur les impôts sur le logement. Elle analyse le taux marginal effectif d’imposition, qui mesure les incitations fiscales à investir dans le logement, et situe ce taux en Espagne à 44%, soit plus de 10 points de pourcentage au-dessus de la moyenne de l’OCDE (32%) et de l’UE (31%). C’est le dixième plus mauvais résultat du classement.
Le document rappelle qu’"un pourcentage élevé du taux effectif marginal d’imposition signifie que les impôts réduisent significativement la rentabilité marginale d’un investissement. Autrement dit, la différence entre le rendement brut (avant impôts) et le rendement net (après impôts) est substantielle par rapport au rendement initial, car le système fiscal introduit un écart significatif entre les deux".
En plus de capter l’investissement nécessaire pour promouvoir les logements que la société demande, l’IEE alerte sur le fait que l’investissement pour augmenter l’offre de logements est essentiel pour l’économie.
Un risque pour l’équilibre du pays
"La croissance économique de l’Espagne est en grande partie due à l’augmentation de la population d’un million de personnes au cours des cinq dernières années. Par conséquent, le manque de logements est l’un des principaux risques pour maintenir l’équilibre. Il faut trouver des moyens d’avoir plus de logements et beaucoup moins chers," a-t-il ajouté.
Dans le cas des impôts, la clé réside dans une réforme qui réduise la pression fiscale que subissent tant les investisseurs professionnels que les familles, ce qui permettrait d’améliorer la compétitivité de l’Espagne dans ce domaine et d’augmenter l’attrait du logement comme produit d’investissement.