Un cas récent analysé par l’Audiencia Provincial de Madrid soulève une question que beaucoup se posent : une succession déjà acceptée peut-elle être annulée si l’un des héritiers était frappé d’incapacité et n’était pas dûment représenté ? La réponse est oui, et la conséquence a été que l’acte de répartition ainsi qu’une donation découlant de cette succession sont déclarés nuls.
Derrière cette résolution, il y a une histoire de procédures mal engagées, de décisions unilatérales et, surtout, un avertissement clair : lorsqu’une personne dont la capacité a été modifiée judiciairement est impliquée, il faut redoubler de garanties légales.
L’héritier frappé d’incapacité a agi sans son tuteur légal
La polémique a débuté en 2007, année du décès d’une femme qui avait prévu dans son testament que sa fille et son petit-fils hériteraient de ses biens, tandis qu’elle laissait l’usufruit viager à son veuf. Jusqu’ici, une répartition des plus habituelles.
Cependant, le problème est survenu parce que ce petit-fils (fils d’une fille déjà décédée) avait été frappé d’incapacité judiciaire avant le décès de la testatrice, et était sous tutelle. Malgré cela, l’acte notarié d’acceptation de l’héritage a été signé sans la présence du tuteur légal.
Que se passe-t-il si une succession est acceptée sans vérifier la capacité juridique des héritiers ?
Si l’on découvre par la suite que l’un d’eux était frappé d’incapacité et a agi sans tuteur judiciaire, la répartition sera nulle de plein droit et tous les actes dérivés (ventes, donations ou partages) seront sans valeur, obligeant à répéter le processus successoral et pouvant engendrer des coûts et des retards importants.
Donation ultérieure et extinction de la copropriété du logement hérité
Huit ans se sont écoulés jusqu’à ce qu’en 2015, le veuf fasse une donation à sa fille de la moitié indivise d’un logement qu’il partageait avec elle et son neveu. L’immeuble était déjà à 50% au nom des deux héritiers, fruit de la succession. Ainsi, avec la donation, la fille a pris le contrôle de 75% de la propriété, tandis que son neveu conservait les 25% restants.
Avec cette nouvelle répartition, la fille a promu l’extinction du condominium, une formule légale pour mettre fin à la copropriété d’un bien immobilier. Mais ce qui semblait être une opération de routine a fini devant les tribunaux.
Quelles sont les conséquences d’une donation sans consentement valable ?
Une donation sans consentement légitime est également nulle de plein droit, le donataire devant restituer le bien ou compenser sa valeur actuelle, et des responsabilités pour dommages et intérêts pouvant survenir si l’acte a causé un préjudice patrimonial au donateur frappé d’incapacité ou à ses héritiers légitimes.
Opposition du tuteur légal et demande de nullité des actes
L’entité qui exerçait la tutelle de l’héritier frappé d’incapacité a répondu par une demande reconventionnelle. Dans sa demande, elle a sollicité la nullité de la répartition de la succession et également celle de la donation de 2015. La clé : les deux actes avaient été réalisés sans l’autorisation judiciaire requise et, selon elle, au détriment évident du pupille. Le Juzgado de Primera Instancia n° 41 de Madrid lui a donné raison, considérant qu’il y avait une absence totale de consentement valable, déclarant la nullité des actes et ordonnant en outre la radiation de tous les effets dérivés au registre foncier.
Qui peut solliciter la nullité d’un acte de succession ?
La nullité peut être sollicitée par toute personne affectée par le vice de consentement : l’héritier lui-même, ses descendants ou même le Ministère Public s’il détecte un préjudice à la personne protégée. D’autres personnes intéressées par la succession, comme les cohéritiers ou les légataires, peuvent également l’intenter.
L’Audiencia Provincial sur la nullité de cette succession et de la donation
La fille a fait appel du jugement, mais l’Audiencia Provincial de Madrid a ratifié la décision initiale. Le tribunal a été catégorique : le 30 octobre 2007, date de l’acte de répartition, l’héritier avait déjà été frappé d’incapacité par jugement judiciaire, de sorte qu’il ne pouvait pas consentir légalement à cet acte.
Mais la résolution va plus loin. Elle déclare également nulle la donation de 2015, invoquant la doctrine bien connue de "l’arbre empoisonné". En ce sens, le tribunal a rappelé un arrêt du Tribunal Supremo du 31 mars 2011, où il est affirmé qu’un donateur ne peut transférer la propriété d’un bien qui lui appartient réellement.
Dans ce cas, le Tribunal Supremo a déclaré nul le partage successoral lorsque l’un des héritiers frappés d’incapacité a comparu sans représentation. Le Supremo insiste sur le fait que l’absence de consentement valable est suffisante, sans exiger de preuve de préjudice.
Est-il nécessaire d’établir un préjudice pour déclarer une succession nulle ?
L’une des questions qui suscite souvent des doutes dans ces procédures est de savoir s’il faut prouver le préjudice concret à l’héritier concerné. La réponse de l’Audiencia est claire : il n’est pas nécessaire de démontrer un dommage économique. Il suffit qu’un élément essentiel manque pour que la nullité de plein droit opère, conformément à l’article 1261 du Código Civil.
L’importance du consentement valable dans les successions
Cette décision n’est pas un cas isolé, mais un rappel de la rigueur avec laquelle les processus successoraux doivent être traités lorsqu’il y a des héritiers dont la capacité a été modifiée judiciairement. Agir sans le soutien nécessaire (comme le tuteur ou le curateur) peut conduire à la nullité et à une longue bataille judiciaire.